Le combat d'une graine pour devenir un arbre
Je me souviens de mon premier semis d'arbre. C'était à l'école primaire, l'instituteur nous avait amené des marrons que l'on a chacun fait pousser dans un pot. A cette époque je ne savais pas du tout ce qu'était un bonsai et j'étais à mille lieues d'imaginer qu'un jour cette passion tiendrait une place aussi importante dans ma vie. Me voilà donc avec ce marron que j'ai mis dans un pot de fleur, et quelques jours plus tard j'ai vu cette petite pousse verte sortir de terre. C'était un moment magique.
Même si quelques mois plus tard le marronnier a rejoint le tas de compost par manque d'entretien, je crois que cette première expérience m'a fait comprendre que tous les arbres commencent ainsi.
De façon très humble, avec cette petite graine qui tombe et sol et que la magie de la nature fait germer et pousser. Débute alors un long voyage dont beaucoup ne surviront pas, la plupart des graines que produit un arbre chaque année ne germent pas, ou bien ne passent par leur premier été. Les plus vigoureuses devront combattre pour survivre, contre les éléments, les animaux qui viennent les manger, les accidents, l'urbanisation croissante. Seuls quelques-uns, peut-être les plus chanceux, auront la force de s'élever vers le ciel et devenir des arbres magestueux.
De la graine au bonsai, une école de patience
Former un bonsai à partir d'une graine permet un contrôle quasi total sur le résultat que nous voulons. L'arrosage, la fertilisation, la ligature et les tailles permettent quasiment de sculter un être végétal pour lui donner la dimension et l'apparence voulue. En travaillant sur les pousses de l'année encore très flexibles, nous avons beaucoup plus de contrôle que si l'arbre était plus gros et vieux.
Il est souvent facile de remarquer qu'un bonsai est issu de semis, son nebari, la disposition de ses racines est excellente.
Elles sont distribuées autour de la base du tronc, ni trop grosses, ni trop petites. Le semis est la voie royale pour créer des bonsai avec un très beau racinaire. Certains disent que c'est la seule façon, je suis plus mitigé, nosu avons à notre disposition plusieurs techniques qui permettent d'améliorer le nebari d'un arbre.
La première difficulté quand on part du semi est déjà qu'il faut savoir où l'on va. Sans avoir une idée précise du bonsai que l'on veut créer, il faut quand même savoir si l'on veut faire un petit trapu ou bien un grand mince. Cela détermine les premières années de culture pendant lesquelles nous allons former le tronc. Plus il sera épais, et plus cela prendra de temps. Si vous voulez faire un gros bonsai, un passage quelques années en pleine terre un option avec d'accélerer la formation. En effet, en pot un arbre va pousser lentement. Nous avons le contrôle sur ce qu'il fait, mais attendez-vous à regarder votre semis pousser pendant des années.
Si vous comptez vous lancer dans l'aventure de créer un bonsai à partir de semis, armez vous de patience, car il ne faudra pas moins de 15 à 25 ans de bonne culture et de techniques bien faites pour créer un bonsai de qualité.
Pour un sujet de bonne taille, rajoutez quelques années de plus. La quête du bonsai parfait à un prix, celui du temps.
Faut-il faire des semis pour créer des bonsai ?
La question peut légitimement se poser au vue de la durée afin d'obtenir un arbre qui ressemble à un bonsai. Si vous débuter dans cet art passionnant, je ne vous conseille pas de partir de semis, car vous allez passer 10 ans à cultiver. Et cultiver ce n'est pas faire du bonsai. De plus cela demande de comprendre comment fonctionne un arbre, ce que nous voulons obtenir quand on veut avoir un beau bonsai.
Est-ce pour autant une raison pour jeter le bébé avec l'eau du bain ? Non. Faire du semis est une activité passionnante à travers laquelle on apprend beaucoup. Mais je considère plus cela comme une activité annexe au bonsai. Vous avez déjà quelques arbres dans votre collection sur lesquels vous pouvez faire vos premiètres armes et travailler, alors faites du semis. Vous allez faire des erreurs, vous allez apprendre de vos fautes, et un jour vous obtiendrez certainement quelques beaux spécimens à travailler en bonsai.
Mais pour moi le semis à un autre aspect : celui de la trabsmission aux générations futures.
Semons aujourd'hui les graines qui seront les bonsais de nos enfants ou petits enfants. Les japonais l'ont bien compris, cela fait des decennies qu'ils sèment et ils en récoltent les fruits. D'ailleurs certaines pépinières sont uniquement spécialisées dans cette pratique, perpétuer le stock pour le futur. On ne sème pas forcément pour nous, mais pour la communauté.
Même si vous avez 50 ans, 60 ans ou 80 ans, faire du semis nous en apprend beaucoup sur le sens de la vie. Je me souviens de cette anecdote que m'avais raconté Jacques Marty, lors d'une discution qu'il avait avec Maitre Ando. Ce dernier lui demandait s'il faisait des semis. Jacques lui a répondu qu'il avait plus de 60 ans et qu'il était trop vieux pour ça. Maitre Ando lui a répondu « J'ai 75 ans, et je sème des pins tous les ans », il lui a fait un clin d'oeil et s'en est allé...
Créer un bonsai à partir de semis, étape par étape
En préambule, il est important de rappeler que si théoriquement nous pouvons faire un bonsai à partir de n'importe quel arbre ou arbuste, dans la pratique cretaines espèce ssont plus adaptées que d'autres. Je ne saurais trop vous conseiller de vous lancer avec les grands classiques que sont les érables japonais (palmatum ou trident) mais également les essences locales telles que le charme, l'érable champêtre, l'orme, le pommier 'Everest'. Certaines espèces telles que le chêne ont également une croissance très lente, et il faudra vous armer d'encore plus de patience pour obtenir un joli bonsai à partir d'un gland.
Faire germer des graines
Il est facile de se procurer des graines. Le plus simple est de les frécolter à l'automne sur des arbres à côté de chez vous. Pour les autres essences, il existe plusieurs sites de vente en ligne bien achalandés auprès desquels vous trouverez votre bonheur. La plupart des graines demandent à être stratifiées, c'est-à-dire qu'elles doivent subir une phase de froid comparable à l'hiver. Vous pouvez soit les mettre dans un bac de sable, soit sans un sachet dans le bac à légumes de votre réfrigérateur.
Au début du printemps, semez-les dans un bac avec une couche de substrat normale au fond et en surface une couche plus fine qui favorisera la germination. Arrosez, et patientez une année.
Couper le pivot
Le printemps suivant, repiquez chacune des pousses en coupant le pivot. C'est la grosse racine principale qui plonge vers le bas. La couper permet de créer un joli nebari étoilé. Plantez alors chacun des plants dans un godet individuel.
Donner du mouvement au tronc
Juste avant le repiquage, vous pouvez prendre un fil de ligature et donner du mouvement au tronc. Même sur les feuillus dont on veut parfois un tronc assez rectiligne, essayez de donner un peu de mouvement, surtout à la base. Sur les conifères, cette opération est obligatoire car ce sont naturellement des arbres de montagne qui ont du se battre pour survivre. N'hésitez pas à donner un mouvement exagéré, celui-ci va s'atténuer avec le temps quand le tronc va grossir.
Former le tronc
Cultivez, arrosez, fertilisez, mais ne taillez pas tout le temps. Ce sont les longues tiges qui vont faire grossir le plant. Laissez-les pousser et ne les coupez qu'en hiver. Vous pouvez laisser filer la tête ainsi qu'une ou deux branches sur le tronc pour favoriser son épaississement et ne les couper qu'au bout de deux ou trois ans.
C'est ce que l'on appelle la technique du Clip & Grow : tailler, laisser pousser, et répéter l'opération pendant des années.
Mettre en place les branches principales
Lorsque le bonsaï va progressivement se développer, vous devrez sélectionner quelques branches qui vont former la ramification principale de l'arbre. Celles-là il ne faudra pas les laisser filer trop loin pour ne pas qu'elles grossissent trop par rapport au tronc de l'arbre. Vous pouvez très bien travailler les futurs branches de votre bonsai et en laisser pousser quelques autres dans le but unique de faire grossir l'arbre. C'est ce que l'on appelle des branches de sacrifice.
Affiner la ramification
Enfin, une fois que la structure est en place, taillez pour avoir une ramification plus fine. Sur un feuillu vous pouvez rempoter tous les deux ou trois ans en coupant les grosses racines. Ce qui se passe dans le pot se reproduit dans les branches. Vous ne pourrez pas avoir une fine ramification si vous n'avez pas un racinaire fin et proche du tronc.
Et voilà, au bout d'une bonne dizaine d'années vous avez un petit bonsaï créé à partir d'un semis !
