Bien plus qu'un arbre en pot
Le mot bonsai est composé des deux kanji (caractères chinois) 盆 (BON) qui signifie pot et 栽 (SAI) qui signifie plante. Donc littéralement, un bonsai est une plante qui pousse dans un pot. C'est plutôt simple, mais peut-on considérer chaque plante qui pousse dans un pot comme un bonsai ? Bien sûr que non, cela va bien plus loin que cela. Alors qu'est ce que différencie notre art d'une simple culture horticole ? Nous pouvons dans un premier temps penser à certaines caractéristiques esthétiques que l'on retrouve dans d'autres arts tels que l'art des jardins ou bien le topiaire.
Certaines de ces pratiques sont directement héritées de la formation des arbres de jardin (庭木 NIWAKI) que l'on retrouve dans les jardins japonais, elles mêmes issues des techniques de tailles des jardins chinois. Au Japon, la plupart des plus beaux jardins japonais sont remplis de ces magnifiques arbres taillés remarquablement.
En fait, la plupart des techniques utilisées pour former ces arbres de jardin qui font parfois plusieurs mètres de haut sont directement héritées des techniques appliquées sur les bonsai, par exemple la suppression des chandelles sur les pins afin de densifier les plateaux.
Mais toutes les techniques bonsai ne sont pas forcément appliquées sur les NIWAKI. L'art du bonsai va bien au delà de la simple taille en plateau d'un arbre en pot. Il y a certaines considérations artistiques qui en font une pratique bien spécifique. C'est avant tout une expression de soi
Une question de taille ?
Si l'ensemble des techniques ne sont pas spécifiques aux bonsai, elles ne constituent donc pas un facteur déterminant pour définir précisément ce qu'est un bonsai. Nous pouvons alors penser qu'un bonsai doit être un petit arbre qui pousse dans un pot. Mais que signifie exactement petit ? Est-ce qu'il doit avoir une hauteur limite ? C'est assez vague et varie considérablement en fonction des aspects culturels.
Au Japon, la dimension d'un bonsai est assez standardisée, cela s'applique principalement aux expositions. A l'origine, un bonsai était exposé dans un TOKONOMA, une alcôve se trouvant dans les maisons traditionnelles japonaises et qui servait à exposer une oeuvre d'art : une poterie ancienne, un composition florale (IKEBANA), une calligraphie, ou encore un bonsai. La dimension d'un TOKONOMA est généralement cette d'un TATAMI, soit environ 1m82 par 91cm.
Dans les grandes expositions, l'espace alloué à chaque arbre est généralement la taille d'un TAMAMI ; il est donc important que l'arbre ne soit pas trop grand et ne dépasse pas de l'espace qui lui est alloué.
A la KOKUFU, la grande exposition nationale de bonsai qui se tient chaque année à Tokyo, les arbres ont généralement une hauteur inférieure à 1 mètre (depuis le haut du pot jusqu'à l'apex). Certains bonsai dépassent cette hauteur (par exemple pour le style BUNJIN) mais c'est assez rare. Le problème est surtout que les gros bonsai ont une grande envergure et ils doivent également pouvoir être exposés dans une largeur de 85cm sans toucher le fond.
Si au Japon la dimension d'un bonsai est assez standardisée, ce n'est pas le cas dans d'autres pays d'Asie qui s'affranchissent ce ces limites et l'on peut admirer des arbres de plus de parfois 2 mètres de haut dans des poteries énormes ou bien sur des roches qu'il faut déplacer à l'aide d'engins mécaniques.
Un bonsai correspond-il à une espèce particulière d'arbre ?
Donc la dimension n'est pas non plus un facteur qui permet de déterminer ce qu'est vraiment un bonsai. Qu'en est-il alors de l'espèce utilisée ? Est-ce qu'un bonsai est une espèce ou variété particulière d'arbre que l'on va cultiver en pot ? C'est une question qui est souvent posée par les visiteurs lors d'une exposition, et la confusion est rendue encore plus importante par ces sites internet qui vendent des soit disant graines de bonsai.
Non, ce serait une erreur de considérer qu'un bonsai ne peut être créé qu'avec des pins, des genévriers ou des érables (même si ce sont les essences les plus populaires). Un bonsai peut être créé avec n'importe quelle plante qui fait du bois, que l'on appelle une plante ligneuse. Cela peut être un arbre, un arbuste ou encire une liane (telle que la glycine ou bien le lierre).
La seule limitation est qu'il est préférable d'utiliser des essences dont le feuillage se nanifie assez facilement afin de conserver un bon équilibre esthétique. Si les feuilles sont trop grosses, l'illusion d'un arbres ne sera pas cohérente. Si vous avez des feuilles qui font 20 centimètres de long, il sera difficile d'avoir de bonnes proportions avec un bonsai de taille raisonnable que vous pourrez présenter un exposition.
C'est pour cela que l'on sélectionne principalement certaines essences qui sont particulièrement bien adaptées à la culture en pot et à la nanification, mais théoriquement le champ du possible est quasiment illimité.
Donc l'essence de l'arbre n'est donc pas non plus un facteur nous permettant de définir ce qu'est vraiment un bonsai, c'est simplement un choix qui permet de créer un bonsai cohérent par rapport à la dimension finale.
Le bonsai, un art vivant
Un bonsai évolue, il pousse, les branches s'allongent. Parfois on en coupe une, parfois il arrive qu'elle meurt toute seule. C'est aussi un arbre sur lequel plusieurs artistes peuvent travailler, il se transmet de génération en génération ce qui fait que l'art du bonsai est unique. C'est un art en constante évolution, et un bonsai n'est jamais terminé.
C'est aussi une oeuvre qui se transmet d'artiste en artiste, chacun s'entre eux le fait évoluer suivant sa propre vision, sa propre sensibilité. Ainsi la forme d'un bonsai n'es pas figée dans le temps, et elle ne le sera jamais. C'est un concept essentiel pour comprendre ce qu'est vraiment un bonsai. Mais le plus important est certainement que nous travaillons sur quelque chose de vivant.
Ce n'est pas de la sculpture, le bonsaika guide l'arbre vers une idée de ce qu'il veut réaliser mais c'est toujours l'arbre qui décide.
Et parfois, sur le long chemin qui mène à la transformation d'un arbre en bonsai, il arrive que l'idée originale soit abandonnée au profit d'une autre plus réaliste.
Et même si certaines parties d'un bonsai sont mortes, par exemple pour représenter une branche frappée par la foudre, il y aura toujours une partie vivante. Un tronc complètement mort ne pourra jamais être considéré comme un bonsai. Il est donc important d'appliquer les bonnes techniques de culture afin que l'arbre survive et soit en bonne santé. On peut parfois lire qu'un bonsai est torturé, bien au contraire. Toutes les interventions sont faites pour améliorer son esthétique se font avec le plus grand respect et jamais un véritable bonsaika ne mettra la vie d'un arbre en danger pour satisfaire sa créativité.
Le bonsai, une relation avec la nature qui se faire dans la durée
Comme nous travaillons sur un être vivant, il va forcément évoluer au fil du temps. Chaque décision que nous prenons, que ce soit tailler, rempoter ou donner de l'engrais doit avoir un objectif. Et cet objectif n'est pas immédiat ; cela peut prendre des jours, des semaines, des mois ou même des années. C'est cette vision sur le long terme qui a permis aux japonais de créer des bonsais de qualité.
Le bonsai n'est pas un art immédiat, et certains artistes donnent cette impression qu'il suffit de prélever un arbre centenaire dans la montagne, plier les branches et le mettre dans un pot pour en faire un bonsai. C'est ce que l'on montre souvent pendant les démonstrations, on peut du sensationnel, du spectaculaire. Mais toutes ces techniques ne vont pas pour autant créer un bonsai. C'est juste le début du chemin.
Ce qui fait un bonsai, c'est l'application des bonnes techniques pendant des années et des années. C'est tout d'abord ce qui va donner cette belle structure de branches, que l'on peut admirer sur les feuillus en hiver. C'est aussi ce qui va donner cette patine, cette trace du temps qui passe : une écorce mature qui apparait, les cicatrices des soupes qui se referment. Il y a donc cette notion d'âge qui est importante ; pas l'âge du bonsai, mais l'impression d'âge qu'il donne.
Lorsque vous appliquez correctement les bonnes techniques de taille et de densification sur un érable pendant 10 ans, 20 ans ou encore 50 ans, vous obtenez un magnifique bonsai. Et pour cela, le meilleur allié que vous ayez c'est le temps.
Ce qui fait qu'une oeuvre d'art émerge de l'arbre, ce n'est pas plier des branches et sculpter des bois morts, c'est l'application des bonnes techniques sur la durée.
Le bonsai crée donc une relation particulière avec la nature, et c'est également un art cumulatif. Toutes ces techniques sont appliquées pendant des décennies et par plusieurs artistes successifs. Chacun d'entre eux amenant un peu de sa vision personnelle, mais également son expertise sur une technique particulière. Il y a un aspect communautaire que l'on ne retrouve pas forcément dans d'autres formes d'art.